Projet

Projet

Pawòlotek sé an pwogram kiltirel ek artistik ka montré sosiété moun Matinik asou wotè son ek manniè palé kréyòl. 

Pandan mwa juiyé ek òktòb 2022, artis Simone Lagrand fè an won Matinik pou kouté-gravé moun péyi-a ki té ka bokanté épi’y an kréyòl. 

Sé an pwogram ka fèt anba lòpsion Ministè Lakilti anFrans ek France Relance adan an label ki sé Mondes Nouveaux kantékant épi Konsèwvatwa nasional litoral. 

Ni dé tèknoloji ka soutien projè-a : an www. koté ou pé kouté anrejistreman, kréyasion épi son ek katjil langannistik. Lanné 2023, ké ni an aplikasion pou téléfòn kè’y fèt tou.

Pawòlotek - Panorama du parler martiniquais est un programme artistique et culturel qui vise à dresser un portrait sonore de la société martiniquaise à travers l’expérience de la langue créole. 

En juillet et octobre 2022, l’artiste Simone Lagrand a sillonné le territoire pour enregistrer des martiniquais.es avec qui elle a échangé en créole. 

Ce programme soutenu par le Ministère de la Culture et France Relance est réalisé sous le label Mondes nouveaux en collaboration avec le Conservatoire national du littoral. 

Le projet se concrétise par un dispositif en deux technologies : un portail internet regroupant des extraits d’enregistrements, des créations sonores et des entrées lexicales; et une application mobile en projet pour l’année 2023.

Pawòlotek - Panorama du parler martiniquais is an artistic and cultural program that aims to paint a sound portrait of Martinique society through the experience of the Creole language. 

In july and october 2022, artist Simone Lagrand criss-crossed the island to meet and record people speaking in Creole. 

This program supported by the french Ministry of Culture and France Relance is realized under the label “Mondes nouveaux” in collaboration with the national Conservatoire du littoral. 

The project is materialized by a device in two technologies: an internet portal gathering recordings, creative pieces and lexical keys; and a mobile application due for 2023.

Objectifs

Les enregistrements réalisés par Simone Lagrand contribueront au portrait sonore des pratiques langagières dans la Caraïbe et en France.

Une plateforme et une ressource. Les enregistrements collectés constitueront une ressource pour l’enseignement ou la création artistique.

Contexte

“Une communauté qui veut préserver et enrichir son identité, doit s’attacher prioritairement à préserver, ensuite à accroître le potentiel de créativité de sa langue. C’est la langue qui porte tous les autres langages exprimant la créativité d’un peuple”

On ne peut parler de mondes nouveaux sans penser à l’importance du sensible, de la joie, de l’éclosion. Quand il s’agit de la Martinique, il est crucial d’associer la parole au déploiement. 

En Martinique, la culture, le patrimoine et l’identité, en tant que manifestations concomitantes de la mémoire collective (familiale, sociale, culturelle), font face à une érosion progressive déplaçant petit à petit la mémoire. 

Jusqu’où cet effacement peut-il aller? 

Certes, une langue vivante est toujours amenée à changer et les expressions, mots, concepts créoles que l’on rencontre aujourd’hui sont parfois très éloignés de leur forme d’origine. 

Cependant, un noyau dur résiste. Car, tantôt matériaux phonatoires, contenus, supports et porteurs de sens du message, les mots prennent en charge une part essentielle de la société: la transcription linguistique d’un sentiment. Un sentiment qui évolue mais ne peut oublier de quel endroit de l’histoire il vient. 

Cet espace symbolique où le sensible se forme et se partage, fait partie des préoccupations d’écriture de l’artiste.

Avec ce projet, c’est tout un travail de conservation de traces sonores de faits de langue qui s’opère. Ces archives de la parole créole d’hier, d’aujourd’hui servent de socle au créole de demain. 

En enregistrant, commentant parfois et surtout en conservant des témoignages oraux de la langue parlée. 

En tant que locutrice du créole martiniquais, j’observe ses mutations et déformations. Le créole est une langue faite de conflits qui jongle en permanence entre vitalité et usure. 

Je me demande souvent si le créole sera en paix un jour? Cette langue n’est-elle pas trop occupée à se chercher des origines et des codifications égales à d’autres langues mieux considérées, au lieu de se fabriquer un avenir, voire un destin?

Même si le créole s’écrit de plus en plus, il est rarement lu et malgré une visibilité croissante du créole, nous portons peu sa parole, comme le dit le poète et penseur martiniquais, Monchoachi. 

 

C’est ce constat qui encourage mes projets : porter le message de la parole créole en ce qu’elle a de moins lisse.  Car même si je parle le créole au quotidien, me parle-t-il toujours? Et que me dit-il?

Une langue n’est pas qu’un outil de communication, elle véhicule une vision du monde. Alors, comment faire pour ne pas laisser le créole se défigurer? Pour que les mots d’ailleurs qui s’y installent paient leur taxe? Pour qu’il ne perde pas la succulence et l’inventivité qui le caractérisent. Pour que ses locuteurs.trices ne le perdent pas de vue. 

 

Il ne suffit pas d’apprendre à aimer le créole pour se vivre dans une Martinique qui change, au même rythme que le monde. Une Martinique qui a peut-être trop longtemps souffert d’une obsession à chercher le monde ailleurs. Comme si s’ouvrir au monde c’était courir le chercher à l’extérieur. Le monde est peut-être simplement là où nous sommes. 

 

Avec ce projet, je voudrais donner sa chance à un monde qui embrasse avec vitalité l’ancien et le nouveau créole. 

Dans mon expérience de l’écriture, poésie et créole ne sont jamais loin l’une de l’autre. Ce sont des antidotes réels contre les temps bouleversés que nous traversons depuis longtemps. Des allié.es là pour apprendre à se préparer à la poésie du monde, s’y habituer, et comprendre comment se tourner vers elle sans méfiance ni complexe d’infériorité. 

Le créole est un mode d’habiter le monde. Un renversement mais aussi un refuge face à la littoralisation du monde. 

D’ici 2035, une grande partie de la population mondiale vivra sur le littoral. Et le même phénomène me semble toucher la notion de langage. 

Avant d’en arriver au point de ne survivre que sur une bande réduite de parole, il me semble important d’ouvrir une nouvelle porte à l’exploration de l’oralité créolophone sous toutes ses formes. 

 

En créant une parolothèque. Sorte de complément sensible au travail du champ universitaire et des archives départementales.

L’idée est de collecter toutes sortes d’enregistrements du créole et les répertorier en fonction de phénomènes particuliers de la parole (cadence, choralité, timbre, emphase, mélodie etc).  Chacune de ces notions constituerait une entrée de la Parolothèque, dotée d’un corpus sonore et de notices descriptives.

 

Afin de montrer l’étendue de la richesse orale de cette île bercée par la musique, la poésie et le conte, mais aussi les discours politiques, militants, les jeux de domino, les dialogues de gallodrome, les conversations de places publiques etc, et donc forte d’un patrimoine à préserver, d’autant plus qu’il est riche d’une mixité linguistique (créole, français, anglais et espagnol ) puisque l’île est terre d’accueil.  

 

Un dialogue avec divers sites du conservatoire du littoral et des monuments historiques ferait aussi partie de cette création. Comment sont vus, vécus, compris ces paysages par ceux qui les côtoient ? La fréquentation du rivage serait à envisager comme projet de lancement de cette sonothèque du réel. 

Au cours d’interviews transgénérationnelles, je collecterai les mots créoles associés aux paysages proposés au public.

À partir de cette collection, il serait possible de produire des pièces sonores, des performances, des spectacles, des conférences, des concerts, des installations…

La parolothèque se veut une démarche formelle sophistiquée servant à narrer le créole ancien, le créole actuel et le créole nouveau, en fermentation mais déjà si présent. Un créole nouveau qui sera parlé dans un monde nouveau. 

En ce sens, ce projet s’inscrit dans ma démarche de narration du réel. Une forme d’écriture contemporaine nourrie par ces sons ou voix enregistrés et captés dans des moments du quotidien.

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